französisch Botswana-blues

Botswana-blues– Seronga, août 2005 –

Translator: Marc Giannésini and Silke Hass, Toulouse
Original title: Botswana-Blues (22/08/2000)
published in:
Ratschlag zum Verzehr der Seidenraupe
– enth. in: Ratschlag zum Verzehr der Seidenraupe

Sample

Il y a un fleuve au nord
du désert, qui ne trouve pas son chemin
vers la mer, qui tarit, un delta immense,
des milliers de kilomètres carrés ! rien
que des taillis de papyrus, des nénuphars, des hérons
et des aigles pêcheurs, naturellement, aux plumages blancs
et noirs

Alors, figure-toi, moi, déguisé
en bretelles kaki, je suis allongé dans une pirogue
et me fait conduire à travers les roseaux :
l’homme à la poupe, qui me transporte je ne sais où (en se servant
d’une seule longue branche en guise de rame),
fredonne une chanson noire,
tout compte fait, je n’avais rien d’autre à faire que de chasser
de temps à autre une nuée de minuscules mouches

Tu comprends,
le monde, ce jour-là,
je ne veux vraiment pas me plaindre,
a fait un très grand effort pour moi : tant
de choses inconnues, de grognements bruissements bourdonnements claquements, tant de feuilles, de brins
qui, après notre passage, se sont refermés en murmurant…

Et pourtant, quand je serai bientôt de retour de ce
paradis de papyrus (dans deux, trois, peut-être quatre jours),
alors il n’y aura plus personne qui partagera
mon souvenir de ce jour si silencieusement écoulé.
« Ah, très intéressant, admettra-t-on probablement
sans y mettre tout le cœur, une sorte de delta du Danube
à l’africaine »…
Mais tu sais, ce jour,
sous un soleil indolent, protégé par les roseaux,
il n’était pas intéressant,
il était plutôt si beau
que j’aurais préféré ne l’avoir jamais vécu, ou encore
l’avoir oublié immédiatement,
car je savais bien,
car je savais avec toutes les fibres de mon cœur,
que jusqu’au bout de la vie
je serais condamné à rester sacrément seul
avec tous ces nénuphars, ces hérons et aigles,
avec tout cette clameur, ces glapissements, que j’ai entendu de loin,
avec tous ces battements, ces scintillements, que j’ai vu de si près

: dans ma pirogue,
ce jour si terriblement beau