Jour terriblement beau
Jour terriblement beau– Outer Banks, avril 1995 –
published in:
– Ratschlag zum Verzehr der Seidenraupe
– Süddeutsche Zeitung, 28+29/4/01; Jahrbuch der Lyrik 2002. Hg. Ch. Buchwald/A. Endler. 2001; enth. in: Das Schweigen am andern Ende des Rüssels; in veränd. Fass. enth. in: Ratschlag zum Verzehr der Seidenraupe, Sämtliche Gedichte 2017-1987; Wiederabdr. in: Konradsblatt, 7/9/03; Rainer Groothuis: Wege am Meer 2003 (Kalender). Köln (Dumont) 2002; Steffen Jacobs (Hg.): Die liebenden Deutschen. Frankfurt (Haffmans bei Zweitausendeins) 2006; Fundsachen/Radio Bremen, 6/1/13; ; Dirk von Petersdorff (Hg.): Der ewige Brunnen. München: C.H.Beck 2023.
Il y a quelques îles face à la côte
de la Caroline du Nord, nombreux bancs de sable, pas beaucoup
plus larges que la route, cependant
longs de presque deux cents milles ! rien
que des phares, des dunes et des herbes gris-jaune,
des mouettes, naturellement, aux têtes blanches
et noires
Alors, figure-toi, moi, je
suis assis dans ma Chevrolet verte, étincelante,
et je traverse ainsi la mer, très décontracté :
l’homme à la radio joue la musique idéale,
l’air conditionné ronronne tout doucement, même la
vitesse, je l’ai réglée automatiquement,
tout compte fait, je n’ai rien d’autre à faire
que d’écarquiller les yeux et de tendre l’oreille
Tu comprends,
le monde, ce jour-là,
je ne veux vraiment pas me plaindre,
a fait un très grand effort pour moi :
tant de vagues, tant d’espace vide au-dessus,
tant de vent caressant et… pourtant !
Quand je serai bientôt de retour chez moi
(dans une, deux, peut-être trois semaines),
il n’y aura personne qui
partagera le souvenir de ce jour presque parfait.
« Ah, très intéressant, m’accordera-t-on à la limite avec
un hochement de tête, une sorte de Sylt
à l’am’ricaine »…
Mais tu sais,
ce jour-là, sur la route, dans la mer,
il n’était pas intéressant –
il était plutôt si beau
que j’aurais presque pleuré comme un veau,
avec mes quarante-quatre ans,
car je savais bien,
je savais à chaque instant,
que jusqu’au bout de la vie
je serais condamné à rester sacrément seul
avec tous ces phares, ces mouettes, ces vagues,
avec tous les brownies que j’ai mangés ce jour-là en conduisant,
avec les canettes que j’ai vidées là-bas
: dans ma grosse Chevrolet étincelante,
ce jour si terriblement beau